11 December 2024

Accueillir ou survivre ?

Le dépôt du Plan d’immigration pour 2025 au Québec révèle une nouvelle fois le peu de considération du gouvernement au regard de l’immigration humanitaire et des histoires bien réelles des personnes en quête de refuge.

Mise en retrait malgré l’augmentation considérable des populations vulnérables fuyant conflits armés et crises, l’immigration humanitaire, elle, ne voit pas ses quotas augmenter en 2025. Pourtant, historiquement, cette catégorie d’immigration a occupé une place clé dans les valeurs d’accueil et de solidarité québécoises, des principes qui visiblement ne sont désormais utilisés qu’en guise de vitrine marketing. Cela soulève donc véritablement des interrogations sur l’engagement et la prise des responsabilités du gouvernement dans la protection des personnes fuyant des situations de crise, de persécution ou de violence.

D’ailleurs, ces personnes, qui arrivent de plus en plus nombreuses proportionnellement à l’aggravation des crises traversées par les pays du Sud global (dans lesquelles les responsabilités des États du Nord global doivent être reconnues), devraient pouvoir trouver la protection au Canada avant même de devoir prendre la route. Si les deux programmes de réinstallation des réfugié.e.s gérés par le Québec prenaient en charge un plus grand nombre de personnes avant leur départ, et avec des délais d’attente plus raisonnables, l’afflux de personnes demandant l’asile au Canada serait moins surprenant, et la logistique, elle, mieux gérée car mieux anticipée.

Ce choix largement délibéré de la part du gouvernement s’inscrit tant dans une tendance utilitariste de l’immigration (d’ailleurs adoptée au niveau mondial), que dans une stratégie électorale, orientée vers l’immigration économique au détriment des besoins humanitaires, favorisant on ne peut plus clairement le profit avant l’humain. Pourtant, si l’on se penche de plus près sur les bénéfices pécuniaires de l’accueil de personnes issues de l’immigration humanitaire, on se rendrait bien compte que ces personnes contribueraient tout autant au porte-monnaie collectif, puisqu’elles finissent bien par contribuer à la société québécoise en travaillant sur le territoire, ne serait-ce que pour subvenir à leurs propres besoins.

En optant pour cette approche utilitariste, le gouvernement ignore les réalités tragiques vécues par des millions de personnes dans le monde, qui pourtant pourraient, un jour, devenir les nôtres. En optant pour cette approche, le gouvernement laisse comme message à la société québécoise et au monde entier, que la valeur d’un individu est mesurée par sa contribution économique et sa rentabilité. Est-ce véritablement le projet de société auquel les québécois.e.s veulent adhérer?

Non seulement les valeurs d’humanité et de solidarité sont aujourd’hui mises à mal, mais aussi le potentiel d’enrichissement culturel et social que ces populations apportent à la société entière. Il est donc essentiel de revoir les priorités en matière d’immigration et de rappeler que la responsabilité des gouvernements est de recevoir, de protéger, et de mieux planifier.

Accueillir ou survivre : le dilemme entre les « capacités d’accueil » du Nord global et les impératifs de survie du Sud global. Un dilemme où la solution devrait être évidente, puisque la dignité, la survie, et les droits fondamentaux des individus ne peuvent et ne devraient être ignorés au profit d’intérêts ni politiques, ni économiques.