25 June 2024

Lettre ouverte : Protéger et mieux accueillir les personnes réfugiées et en quête de refuge

Au lendemain de la Journée internationale des droits des personnes réfugiées, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) et des personnes citoyennes engagées célèbrent la force, le courage et soulignent la résilience des personnes en quête de refuge. Dans un contexte grandissant de conflits à l’échelle mondiale, de violations alarmantes des droits humains, et de discours clivants visant à nous détourner des causes sous-jacentes des crises humanitaires, il est impératif de reconnaître la nécessité de protéger et de défendre les droits des personnes réfugiées, et de toutes les personnes opprimées à travers le monde.

En 2024, le monde connaît un nombre important de conflits et de crises qui engendrent le déplacement forcé de personnes vers la sécurité et des conditions pour vivre en paix et en toute dignité. À la fin de 2022, 117 millions de personnes vivaient en situation de déplacement, incluant des personnes en demande d’asile, des réfugiées, des personnes déplacées à l’interne ainsi que d’autres personnes cherchant la protection internationale, tel que prévu par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. À date, le nombre de personnes forcées à quitter leurs repères, leurs souvenirs, leur pays, leur maison et leur famille ne cesse d’augmenter. La population est invitée à regarder de près la situation critique en Palestine, en République démocratique du Congo, en Haïti, au Soudan, en Somalie, au Nigeria, dans toute la région du Sahel, en Ukraine, en Éthiopie, au Mali, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Afghanistan, au Venezuela, au Honduras, en Birmanie, en Arménie… Combien d’autres pays sur la liste pour que la communauté internationale et ses dirigeants politiques ouvrent les yeux sur les souffrances qui persistent dans le monde ? La triste réalité est que la liste pourrait continuer encore et encore. Chaque ajout à cette liste représente des millions de vies brisées, des familles déplacées, des enfants affamés et des communautés déchirées par la violence et la pauvreté. Il est temps que les dirigeants politiques et les institutions internationales regardent au-delà de leurs propres frontières et intérêts politiques et économiques, qui ne devraient pas avoir l’ascendant sur les êtres humains.

Alors que 76% des personnes déplacées s’installent dans des pays à faible ou moyen revenu, majoritairement dans le sud global, une fraction du quart restant arrive chaque année au Canada et au Québec. Après avoir surmonté des épreuves bouleversantes telles que les conflits, les guerres, la violence organisée, la persécution politique et d’autres circonstances extrêmes de plus en plus liées au changement climatique, ces personnes doivent entamer une deuxième étape dans leur nouvelle trajectoire de vie : celle de la reconstruction.

Tout comme une fleur déracinée de son écosystème, le souhait naturel pour ces êtres humains déboussolés est d’être capable d’arriver à s’enraciner à nouveau dans une terre d’accueil. L’intégration est une responsabilité partagée. Elle dépend non seulement de la volonté des personnes réfugiées de connaître et d’adopter la culture de la société d’accueil, mais aussi des moyens mis en place pour faciliter ce processus. L’existence de services adaptés, qui prennent en compte les réalités spécifiques de chacun.e avec respect et sensibilité, tout en valorisant l’ensemble des membres de la société, sont des conditions essentielles pour permettre une intégration réussie.

L’arrivée au Québec est souvent perçue comme la fin d’un parcours. En réalité, ce n’est que le début d’une série de premières fois pour les personnes en quête de refuge. De l’apprentissage de la langue à l’obtention d’un emploi, l’inscription des enfants à l’école ou la compréhension d’un système de santé différent ; le processus d’intégration des personnes immigrantes est un chemin complexe avec des étapes différentes selon les parcours et les besoins particuliers de chaque individu.

Ce n’est pas en cherchant à blâmer les personnes réfugiées et immigrantes pour les problèmes systémiques concernant les services publics que nous donnerons un accueil digne de ce nom. Ce n’est pas non plus en leur demandant d’abandonner leur culture que nous protégerons la nôtre.

Naturellement, tout être humain désire trouver un endroit où il se sent chez lui, où il peut construire des liens sociaux et culturels solides, et où il peut envisager un avenir stable et sécuritaire. Malgré les obstacles, les personnes réfugiées font preuve d’une grande capacité d’adaptation. De plus, elles contribuent de plusieurs façons au rayonnement de la société. Nous célébrons aujourd’hui leur présence parmi nous et leur apport aux communautés partout au Québec, au Canada et dans le monde entier.

Les récits d’exil sont des fenêtres ouvertes sur notre humanité partagée, nous permettant de voir au-delà des frontières et des différences. Aujourd’hui et tous les jours, nous invitons à l’empathie, à la solidarité et à la reconnaissance du rôle important de la diversité comme la véritable richesse de la communauté internationale.

Au lendemain de la Journée mondiale des réfugié.es, nous invitons les gouvernements du Québec et du Canada à :

  • Respecter leurs engagements humanitaires et mettre en place un cadre de réponse aux crises humanitaires à la hauteur de ces engagements, sans faire de discriminations en fonction des personnes qui fuient les crises humanitaires.
  • Adopter des politiques qui s’attaquent aux causes premières des migrations forcées (conflits, inégalités, changement climatique) et réformer les politiques qui contribuent à ces causes.
  • Offrir un meilleur accueil aux personnes immigrantes, réfugiées et à statut précaire en offrant des services adaptés aux réalités des personnes peu importe leur statut d’immigration. Cela comprend entre autres une meilleure concertation entre les acteurs impliqués ; une augmentation de la capacité des services du gouvernement du Québec pour l’accueil des personnes en demande d’asile (hébergement temporaire et accueil psychosocial), actuellement fixé à 1150-1200 personnes ; un meilleur financement des services juridiques en immigration ; l’abolition du décret de 1996 qui limite les services que le gouvernement du Québec peut offrir aux personnes en demande d’asile ; bonifier le financement des services d’accueil et d’intégration dans les organismes communautaires reconnaissant leur rôle essentiel dans l’accompagnement du processus d’intégration des personnes réfugiées.
  • Le retrait du Canada de l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) qui compromet le droit des personnes de demander la protection du Canada et les expose à des violations des droits humains aux États-Unis.
  • Réfléchir à un système d’immigration plus humain, qui tienne compte des diversités des parcours et des épreuves vécues par les personnes réfugiées. Cela implique un système plus efficace avec des délais de traitement moins longs pour toutes les catégories d’immigration, incluant la réunification familiale.
  • Réfléchir à la rhétorique utilisée par les acteurs gouvernementaux pour se référer aux personnes immigrantes, réfugiées, en demande d’asile et/ou sans statut et arrêter les messages qui visent à désigner l’immigration comme la cause principale des problèmes structurels affectant les services publics.

Plus de 200 personnes, citoyennes et professionnelles d’organismes communautaires et de défense des droits humains, du secteur de la recherche, de l’éducation, de la médecine, des avocats, ont signé cette lettre ouverte, intimement convaincues de la possibilité d’un changement positif au regard de l’accueil des personnes réfugiées et en quête de refuge.