21 February 2024
Réponse aux propos du gouvernement du 20 février 2024
Les organismes communautaires et de défense des droits humains souhaitent rebondir sur les propos du gouvernement associant une nouvelle fois la crise des services publics à l’accueil des personnes en quête de refuge.
Montréal, le 21 février 2024. Suite aux déclarations du gouvernement du Québec au sujet des personnes en demande d’asile, prononcées lors de la Journée mondiale pour la justice sociale, les organismes communautaires et de défense des droits humains déplorent la grande injustice avec laquelle le gouvernement agit envers ces personnes. Ils soulignent au gouvernement que la résolution de la crise des services publics ne sera pas viable en agissant seulement sur les niveaux d’immigration humanitaire.
Le Canada, et par conséquent le Québec, ont des obligations internationales en ce qui concerne l’accueil des personnes demandeuses d’asile. Ces personnes, en quête de refuge, fuient des situations de persécution, de conflit, de violence et de violations des droits humains, intrinsèquement liées aux politiques des États du Nord global. La volonté de freiner et de réduire l’afflux de demandeurs d’asile témoigne non seulement d’une sous-estimation des nombreuses véritables crises humanitaires qui se déroulent présentement à travers le monde, mais elle déshonore également la longue tradition humanitaire du Canada envers l’accueil des personnes en quête de protection.
Le gouvernement affirme se soucier de fournir un accueil digne et sécuritaire aux personnes en demande d’asile, mais son discours axé sur les chiffres, dépourvu de mise en contexte, crée un climat anxiogène pour toute la population québécoise, en laissant entendre que la crise des services publics est engendrée par la présence des demandeurs d’asile sur le sol québécois. En effet, évoquer un point de rupture alors que les personnes en demande d’asile représentent 1,8% de la population québécoise et que le budget alloué à ces personnes ne représente environ que 0,25 % du portefeuille global du Québec, mène à s’interroger sur la gestion budgétaire du gouvernement.
En ce qui a trait à l’éducation, le ministre de l’Éducation évoque l’ouverture de 1237 classes d’accueil, sans préciser que ces classes incluent l’ensemble des enfants, quelle que soit la catégorie d’immigration de leurs parents. Il néglige également de souligner que la crise persistante dans le réseau de l’éducation au Québec constitue un sujet de débat public depuis des décennies, résultant de sous-investissements prolongés ayant entraîné la détérioration des conditions de travail et le désintérêt pour la profession, provoquant ainsi une pénurie de main-d’œuvre considérable.
Les organismes communautaires et de défense des droits humains tiennent à mettre en lumière la précarité dans laquelle se trouvent naturellement les personnes en demande d’asile en raison de leur déplacement forcé. De plus, il est important de rappeler l’existence de nombreuses barrières systémiques à l’intégration de ces personnes. Ces barrières contraignent les personnes en demande d’asile à avoir recours à l’assistance sociale pour être en mesure de subvenir à leurs besoins de première nécessité. Le gouvernement du Québec pourrait réduire les dépenses liées à l’aide financière de dernier recours s’il libérait pour eux l’accès aux services d’employabilité, s’il appliquait la récente décision de la Cour d’appel du Québec autorisant les personnes demandeuses d’asile à accéder aux services de garde subventionnés ou s’il permettait l’accès aux allocations pour les cours de francisation, entre autres.
Enfin, il est essentiel de rappeler que les personnes en demande d’asile font tout autant partie du contribuable que le reste de la population québécoise. En effet, elles disposent d’un permis de travail qui leur permet, pour la plupart, d’entrer rapidement sur le marché du travail. Les organismes communautaires et de défense des droits humains exhortent le gouvernement de cesser de voir les personnes réfugiées et en demande d’asile comme une surcharge pour la société québécoise, alors qu’elles apportent en réalité une pierre considérable à l’édifice québécois de multiples façons.
« Le gouvernement affirme que l’arrivée des personnes en demande d’asile pose une menace à l’identité québécoise et à la la manière de vivre au Québec, alors que c’est justement notre manière de vivre qui pousse les gens à l’exil, par exemple en raison des changements climatiques ou des inégalités grandissantes, qui alimentent les conflits. »
Louis-Philippe Jannard, coordonnateur du volet Protection à la TCRI