23 August 2024

Lettre d’opinion – Pour en finir avec les permis de travail fermés  : une nécessité pour protéger les droits des travailleurs migrants

Sans aucune surprise, le rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavages conclut que « le Programme des travailleurs étrangers temporaires alimente les formes contemporaines d’esclavage ». La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) demande donc au gouvernement fédéral d’abolir les permis de travail fermés, d’octroyer plutôt des permis de travail ouverts et d’ouvrir une perspective claire d’immigration permanente pour tous les travailleurs migrants. 

Le système des permis de travail fermés 

Afin de saisir les résultats du rapport, il faut comprendre que les permis de travail fermés au Canada obligent les travailleurs étrangers temporaires à travailler exclusivement pour un employeur donné. De nombreuses études ont démontré que l’employeur peut exercer un contrôle excessif dans plusieurs sphères de la vie des travailleurs, comme le logement, les soins de santé et le statut migratoire.  

Ce n’est donc d’aucune surprise que les travailleurs hésitent à signaler les abus ou à revendiquer leurs droits en raison de la peur des représailles, exacerbant leur vulnérabilité à l’exploitation. Le Rapporteur spécial a ainsi entendu des témoignages de confiscation de salaires, d’abus psychologiques, physiques et verbaux. Toute cette structure crée un déséquilibre de pouvoir en défaveur des travailleurs, qui peuvent être expulsés vers leur pays d’origine s’ils sont licenciés. Les conclusions du rapport viennent confirmer ce que disent la société civile, le milieu communautaire et les recherches depuis des décennies. 

La nécessité d’agir 

Comme nous l’avons déjà mentionné en novembre 2022, nous exigeons au gouvernement fédéral d’octroyer des permis de travail ouverts pour contrer les abus découlant des permis de travail fermés. Ce changement permettrait au travailleur migrant d’occuper un emploi, tout en lui offrant la possibilité de changer d’employeur lorsqu’il le désire. Ultimement, une recommandation clé est d’offrir une voie claire vers la résidence permanente, car celle-ci permettrait aux travailleurs migrants d’obtenir des droits presque similaires à ceux des citoyens.  

Des mobilisations sont advenues pour exiger un changement de paradigme au gouvernement fédéral. À la suite des rencontres du Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), une campagne a été lancée, demandant au gouvernement de remplacer les permis de travail fermés par des permis de travail ouverts inconditionnels et d’ouvrir des voies vers la résidence permanente pour tous les travailleurs migrants. D’autres actions ont aussi été entreprises comme le démontre l’action collective Fin au travail non libre pour les migrant·es, qui vise à mettre fin aux mesures qui lient les travailleurs migrants à des employeurs spécifiques. 

Le rôle des différents ordres du gouvernement 

Bien que ces mesures soient décidées au niveau fédéral, il convient de mentionner que certaines responsabilités relèvent du gouvernement provincial, telles que l’application des droits et des obligations en matière de travail, une tâche qui incombe à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Il est nécessaire que celle-ci alloue davantage de ressources au régime d’inspection du travail et intervienne en tout temps afin d’assurer le respect des normes provinciales. Comme mentionné dans le rapport, les différents paliers de gouvernement doivent également remédier au manque de coordination. 

Afin de faire respecter l’État de droit au Canada et au Québec, la TCRI réitère à nouveau la nécessité d’abolir les permis de travail fermés, d’octroyer plutôt des permis de travail ouverts, de mettre en place des mesures de prévention et de protection renforcées pour les travailleurs, et finalement, d’ouvrir une voie claire à l’obtention de la résidence permanente pour tous les travailleurs migrants. Nous saluons grandement le rapport du Rapporteur spécial et les recommandations qui en découlent, dont plusieurs d’entre elles offrent une voie claire à suivre au gouvernement. 

François Loza, coordonnateur d’analyse et de plaidoyers de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

Sarah Toulouse, coprésidente de la TCRI